Pour son ouvrage «S’y reprendre à trois fois», l'auteur nous dit tout...

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Présentez-nous votre ouvrage

S'y reprendre à trois fois raconte le quotidien de trois femmes, à l'orée de leur quarantaine. Il y a Léane, tiraillée par les bons sentiments, qui assiste au naufrage programmé et inéluctable de son ex-mari alcoolique. Et Sambre, la dynamique, tout aussi impuissante face à un ex-mari qui végète en maison d'accueil depuis un suicide inopinément interrompu. Enfin, Maïwenn, la rêveuse, qui n'en revient pas de faire encore la liste des ex-maîtresses du père de ses enfants. Trois femmes qui ont en commun une amitié à toute épreuve, un ex-mari encombrant et envahissant, des mômes géniaux mais aussi bordéliques que leurs mères respectives... Des vies ordinaires marquées du sceau spécifique de notre époque : cette impression partagée par tous que certains – des gens qu'on ne connaît pas – y arrivent sans difficultés, voient leur vie se dérouler comme un long fleuve tranquille, alors que nous tous ramons clairement à contre-courant.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Ceci est mon premier roman, rédigé comme auraient pu le faire mes trois personnages féminins, entre la lessive oubliée depuis deux jours dans la machine et la récitation de poésie de la puînée. Je voulais que ce roman raconte une histoire d'amitié féminine, rien de bien extraordinaire, si ce n'est ce qui a rapproché ces trois femmes. Chacune d'entre elles traverse une période de chamboulement et de lutte, mais là encore, rien que l'on ne rencontre tous les jours dans notre entourage proche : divorce, calvaire quotidien de la mère célibataire, journées à rallonge de l'executive woman overbookée et burnoutée... C'est l'amitié de ces trois femmes, leur capacité à mieux lutter parce qu'elles sont solidaires dans le pétrin, qui fait la force de leur histoire. Pas tant ce qu'elles vivent – qui pourrait se résumer en quelques macabres statistiques de sociologie – mais la façon qu'elles ont d'y réagir : tête baissée, poing levé et toujours en trio.
C'est un projet que j'ai porté en moi depuis longtemps avant de décider que ces vies – pas si ordinaires que cela – valaient quelques paragraphes.

À quels lecteurs s’adresse votre ouvrage ?

Dire que mon roman a été écrit pour tout le monde ou pour personne, je sais bien que ce n'est pas la bonne réponse, ni même la vérité. Je suis professeur et face à une assistance aussi large qu'une salle de classe ou qu'un amphi de fac, on s'adresse finalement toujours à quelqu'un en particulier. Face à son auditoire, plus ou moins réveillé, plus ou moins motivé, on choisit un visage – parce qu'il nous semble connu, bienveillant, intéressé – et au milieu du public, on le fixe, on lui parle. Il y a toujours quelqu’un à qui l'on voudrait dire quelque chose : aussi, je crois que j'ai d'abord écrit ce livre pour cette femme inconnue que chacun de nous peut croiser dans la rue, celle qui pousse une poussette, porte une besace professionnelle et un sac de courses...en regardant ses pieds, sans sourire.
En écrivant, je pensais à toutes les femmes seules, soit parce qu'elles sont vraiment seules, soit simplement qu'elles se sentent seules. Les femmes de mon roman se battent sans cesse : contre la violence ou l'indifférence d'un conjoint, contre la bêtise d'un chef ou d'un banquier, contre la rigueur du système scolaire ou judiciaire, et même contre un steak à faire cuire ou une boîte de conserve récalcitrante... Si l'un de ces scénarios vous est familier, c'est sans doute que vous êtes une femme, mais pas seulement. C'est un livre qui laisse la première place aux femmes mais où leurs déboires peuvent aussi être le quotidien des hommes. Finalement, tout ceux pour qui rien ne tombe jamais tout cuit se reconnaîtront dans mes personnages.
Mes premiers lecteurs : mon entourage, bien entendu, puis les amis d'amis. Beaucoup de profs, certes, mais pas seulement. Des adultes mais aussi des adolescents.
En vérité, j'espère finalement arriver à toucher quelques lecteurs spécifiques, à dérider quelques femmes fatiguées, à interroger certains hommes, ceux qui quand ils croisent une femme du regard savent encore voir le verre à moitié plein, sans le boire !

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?

Je souhaitais avant tout mettre en avant la combativité féminine, cet espèce d'entêtement qui n'a rien d'une agressivité aveugle. Une forme de courage, pas bien spectaculaire, mais tenace et générateur de solidarité, de lien. En choisissant aussi des personnages de la classe moyenne supérieure – des femmes éduquées, intégrées socialement – je voulais sortir du stéréotype qui voudrait que seules celles qui sont en bas de l'échelle se heurtent au système. Une certaine stabilité financière, une bonne éducation et même de la culture, tout cela ne protège pas des défaillances et traumatismes que nous inflige la vie. On est seulement mieux armé pour se battre et répliquer, ce que font les trois femmes de mon livre. Au-delà d'un message, la morale de l'histoire – laïque et transfuge de classe – pourrait être : aide-toi et ta voisine de palier t'aidera... Une phrase du roman me semble, à elle-seule, résumer tout cela : « Le véritable pouvoir de la femme seule tient dans l'incommensurable énergie que met son cerveau à la séparer de toute relation toxique avec l'homme qui lui a pourri la vie. »

Où puisez-vous votre inspiration ?

En premier lieu, ce sont les gens qui m'entourent qui sont ma source principale et d'admiration, et donc d'inspiration. Si l'on cherche des exemples de vies pourries avec au milieu une figure de femme forte, ou au moins toujours debout, il n'est pas besoin d'aller chercher loin. Autour de moi, dans la vie de tous les jours, en moi aussi bien sûr.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?

Si je trouve le temps nécessaire, je voudrais laisser derrière moi le monde adulte pour m'intéresser à la jeunesse. Mes filles, mes élèves, m'ont toujours passionnée. La force qu'un adolescent dégage, sa potentialité, sa capacité à voir le monde comme quelque chose qui peut changer. De prochains personnages pourraient être de jeunes étudiants, pas forcément nos contemporains directs, mais comme eux, des adultes en puissance empêchés dans leurs désirs par une sélection folle et le caractère anxiogène du monde.

Un dernier mot pour les lecteurs ?

Trois fois merci !

Laurence DE MASSOT